Lorenzaccio explication Acte IV sc 11
Lorenzaccio Acte IV sc 11
Fidèle à
l’esthétique romantique qui veut représenter des « tableaux
historiques », George Sand écrit « une conspiration en 1537 »
projet de drame Romantique qu’elle abandonne à Musset pendant leur période de
liaison amoureuse en Italie. Musset transforme considérablement la pièce en
concentrant sur le personnage de Lorenzo des enjeux psychologiques qui
reflètent le « Mal du Siècle »Romantique
En effet,
Lorenzo cousin du duc de Florence s’est introduit dans son entourage de débauchés
afin de pouvoir l’assassiner. La grossièreté du Duc fait horreur à Lorenzo,
mais aussi ce que lui-même est devenu à son contact. Tuer le duc est donc un
attentat politique qui permettrait éventuellement à la République Florentine de
reprendre sa place, mais aussi permettrait à Lorenzo de retrouver une part de
sa pureté d’autrefois.
Dans les
scènes qui précèdent, Lorenzo a subtilisé la cotte de maille qui protège le duc,
a habitué les voisins à entendre du chahut dans ses appartements, a promis au
duc que sa charmante tante Catherine le rejoindrait dans sa chambre…tout est
prêt pour l’accomplissement de son grand dessein.
La scène de
meurtre est donc un aboutissement pour Lorenzo, l’occasion d’être enfin
lui-même.
Elle donne
l’occasion à Musset de multiplier les formes du Romantisme au théâtre.
Nous lirons
donc cette scène comme l’aboutissement
d’une longue préméditation
Qui donne
lieu à un mélange de registres très
contrastés
Ce qui révèle
le romantisme de la scène.
I)
Un acte prémédité et maîtrisé
a) les objets deux épées, l’une rendue inopérante (texte
en contradiction avec didascalie 2)
l’autre dans la main de Lorenzo
7, qui frappe deux fois (8, 10)
b) anticipation des conséquences du
meurtre : les voisins(21, 22), préparation de la fuite (3)
c) la réflexion préalable est induite par la
réponse immédiate du prétexte 4, et le comportement sans émotion de
Lorenzo jusqu’à l’accomplissement: énonce des faits 2, 10, prolonge les
phrases du duc 4, se montre obéissant 6. Lorenzo veut aussi frapper l’homme
éveillé 8, qu’il ait conscience de qui le tue 9, 10.
II)
Des registres multiples et contrastés
a)
Le grotesque : Lorenzo assassine un homme qui vient de prononcer des
phrases comiques ; la critique de la galanterie par un aristocrate est
paradoxale, elle est doublée d’une plaisanterie de Musset sur la réputation des
« Français » qui se retourne contre le duc en soulignant sa
grossièreté aux yeux du public français. Le discours du duc est d’un
personnage outrancier, qui détourne la métaphore galante « Mon cœur »
en métaphore vulgaire « mes entrailles », c’est un comique burlesque,
dévaluant les valeurs respectables, qu’utilise le duc.
b)
Le réalisme : les paroles de Lorenzo, qui n’entre pas dans le
registre comique auquel l’invite le duc, sont sobres et fonctionnelles ;
informatives 2, 4, 8, 10, 20, 22 et
sèches, sans développement. Le duc qui cherche ce qui est « commode »
7, mais aussi Scoroncon colo 17 soucieux des courants d’air sont terre à terre
et réalistes eux aussi.
c)
Après le meurtre Lorenzo emploie un registre lyrique : développement
métaphorique poétique 12, expression des symboles de l’instant sacré et
solennel, par l’hyperbole de valeur, l’oxymore de la représentation de ses
sentiments 14, les intensifs exclamatifs de la sensualité et des émotions16.
d)
Une nouvelle forme de comique contraste avec le discours de Lorenzo dans cette deuxième partie du
texte ; les expressions apeurées de l’homme de main (13, 15, 17, 19) qui
demande la fuite : répétition comique et paradoxale (c’est lui la
brute), et qui commente les envolées lyriques de Lorenzo par des apartés
comiques (19
III)
Une scène romantique
a) Le mélange des registres renouvelle radicalement
le ton de la scène à l’époque romantique : ici, l’homme de main, homme du
peuple, qui constate la mort du duc de Florence associe les personnages
traditionnels de la comédie à ceux de la tragédie, et néglige le principe de
bienséance en montrant le geste de tuer.
Le duc et Scoronconcolo sont cependant comiques, ils se
succèdent pour donner la réplique à Lorenzo qui de ce fait est mis en relief,
s’exprimant d’abord de façon retenue, réaliste avant le meurtre, puis avec une
expansion lyrique étonnante, après.
b) L’ expression des sentiments personnels :
Lorenzo s’ouvre à la nature, « sur le bord de la fenêtre », et parle
comme s’il était seul en remplissant la scène d’images de la
nature, pure et apaisante 16. Il passe
des sensations à l’exclamation sentimentale de l’admiration pour la nature,
puis à l’élévation mystique ; « Eternel repos, / Dieu de
bonté ! » , tout cela isole Lorenzo désigné à la troisième
personne : « « son âme »19
c) La cause en est l’assassinat
politique qu’il vient d’accomplir : attentat contre un tyran odieux, c’est
une action révolutionnaire, que Musset
situe en 1537, mais qui fait écho , écrite en 1834, à la situation
politique en France ; la révolution de 1830, avortée pour les républicains,
et celle qui reste souhaitée, et qui
apportera la IIeme république en 1848.
Lorenzo pourtant ne sera
pas suivi par les Républicains et le duc sera remplacé par un de ses cousins,
Côme de Médicis. Voilà sans doute ce qui exprime le mieux le romantisme de
cette scène, car le personnage n’est pas héroïque, c’est un idéaliste en décalage
avec l’action : on percoit dès cette scène ce sentiment de solitude, dans
l’image de la bague sanglante, cette alliance de Lorenzo avec la mort,
prémonition de sa propre disparition, acte V, qu’il annonce ici.
Conclusion : scène dynamique, mais déconcertante par son sujet et
les contradictions des registres représentés ; elle met en valeur le
personnage de Lorenzo qui en tuant le duc se sent revivre intensément.
Le romantisme n’a pas besoin de la violence pour affirmer ses
valeurs de modernité, Musset choisit une action sobre, froide, pour laisser se
développer la poésie d’une renaissance de Lorenzo, épiphanie qui annonce sa
condamnation à mort.
On voit par la que le Romantisme est moins un moment de scandale qu’une
libération du langage théâtral.

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